Les grands enjeux de la filière photovoltaïque avec Tomaso Charlemont
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[Interview] Les grands enjeux de la filière photovoltaïque : revamping, réemploi et recyclage – Tomaso Charlemont

Dans cette série d’interviews “Les grands enjeux de la filière photovoltaïque“, des acteurs majeurs de la filière sont mis à l’honneur. Ceux-ci participent à rendre le cycle de vie des panneaux solaires photovoltaïques le plus vertueux possible.

Responsable “Revamping / Repowering Photovoltaïque EMEA chez BayWa r.e., Tomaso Charlemont, nous éclaire sur la compréhension du revamping et repowering des panneaux solaires, ainsi que le développement de leur réemploi et recyclage.

Portrait Tomaso Charlemont

Pouvez-vous présenter BayWa r.e. ?

Tomaso Charlemont : Baywa r.e. est une société allemande basée à Munich qui tire son expertise du rachat d’un bureau d’études. Elle est la filiale spécialisée sur les énergies renouvelables du groupe BayWa (initialement une coopérative agricole, Baywa est aujourd’hui un groupe qui intervient dans les domaines de l’agriculture, la construction et l’énergie). Chez Baywa r.e. nous sommes développeurs de projets (solaires et éoliens), fournisseurs de services, distributeurs de composants et fournisseurs de solutions clés en main (telle que l’accompagnement d’acteurs à la mise en place de centrales de panneaux solaires photovoltaïques) au niveau mondial. Aujourd’hui, présente dans plus de 11 pays en Europe, BayWa r.e. EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) a mis en service plus de 2,5 GW de projets solaires et éoliens.

Qu’est-ce que le revamping et repowering ? 

T.C. : Dans la partie service de Baywa r.e., nous avons développé l’activité de revamping. Elle correspond à la modernisation de parcs existants sous contrat de vente d’énergie (par exemple avec un fournisseur comme EDF) tout en maintenant la même puissance de production (en France, la tolérance de changement par rapport à la puissance originelle est de 10%, dans d’autres pays cette tolérance est plus faible). Dans ce cadre, nous effectuons le remplacement de composants dont le rendement ne répond plus au besoin. Si les normes ont changé, nous proposons de remplacer la totalité des onduleurs et des modules pour une remise en conformité.
De ce fait, avec une même puissance produite, il est parfois possible d’occuper moins de terrain. Cette partie du terrain libérée peut faire l’objet d’une autre demande de raccordement au réseau pour y installer une nouvelle centrale. Cela devient du repowering. 
Le repowering se différencie du revamping par  l’action d’ajouter de la puissance à un terrain grâce à une capacité supplémentaire. 

Pourquoi les parcs solaires ont-ils besoin de revamping et repowering ? 

T.C. : Lorsque les onduleurs et modules sont obsolètes, il est souvent difficile de retrouver les mêmes pièces pour l’entretien. De plus, dans le passé, nous avons utilisé des composants (notamment la feuille plastique qui couvre le module solaire) qui s’avèrent ne pas résister aux intempéries. Ce problème de dégradation de la matière s’avère dangereux pour les personnes. Lorsqu’il s’agit d’un phénomène répandu à la grande majorité de la centrale, une remise en conformité s’impose (en lien avec l’évolution des réglementations et normes). 
Ces interventions nécessitent un savoir-faire plus complet, pas seulement un remplacement de composants mais une ingénierie particulière.

Quels sont leurs avantages ? 

T.C. : Les avantages de ces activités sont multiples. Elles permettent une augmentation du rendement. Celle-ci se justifie notamment par une progression de l’efficacité des modules solaires dû au développement de nouvelles technologies. Une remise aux normes est aussi effectuée lors de cette activité.
Également, le plus grand challenge à l’échelle internationale pour les entreprises ou développeurs est la disponibilité des terrains. Tous les terrains idéaux pour une installation de centrales solaires sont occupés. Le revamping mêlé au repowering rendent possible cette disponibilité de terrains.
Il est aussi important de prendre en compte la baisse des coûts de maintenance, les nouvelles garanties et la baisse des opérations extérieures une fois l’opération effectuée.

En quoi cela permet-il de contribuer à la transition énergétique ? 

T.C. : Si nous regardons l’impact de l’énergie renouvelable dans un contexte macro-économique, il y a une surface de terrain X qui produit une certaine quantité d’énergie. Grâce au revamping et repowering, cette surface produit davantage d’énergie solaire et possède un meilleur rendement. C’est donc une action qui participe à la transition énergétique en rendant une surface de terrain plus productive.
Prenons l’exemple de l’Allemagne où les opérations de repowering étaient interdites jusqu’à l’année dernière. Dans un contexte de crise énergétique, une nouvelle loi a été votée pour permettre à tout propriétaire d’augmenter sa production d’énergie. 
Il y a la possibilité d’augmenter de plus de 50% de GW la capacité de production d’énergie solaire rien qu’en réalisant du revamping.

Comment anticipez-vous la fin de vie des panneaux photovoltaïques ? 

T.C. : Il y a à peine dix ans, on ne se posait pas la question de la fin de vie des panneaux solaires. Seulement, à cause des dégradations accélérées de certains modules solaires, il y a eu une prise de conscience du besoin de les recycler. Aujourd’hui, pour accompagner les progrès techniques dans la production d’énergie solaire, il y a aussi des progrès dans le recyclage.
Les matières dangereuses d’un panneau solaire photovoltaïque sont recyclées par le fabricant. Pour le reste, nous nous sommes rendu compte qu’il était possible de récupérer beaucoup de composants. De nombreuses entreprises se sont développées pour permettre de revaloriser plus de 95% des matières premières d’un panneau usagé.

Le réemploi et la réutilisation des panneaux photovoltaïques se développent. Comment voyez-vous ce mouvement et quels sont les principaux points de vigilance pour ceux qui aimeraient acheter des panneaux photovoltaïques d’occasion ? 

T.C. : Cette deuxième vie est tout à fait envisageable seulement si des “conditions de réemploi” sont définies ! Par exemple, il est nécessaire que ces panneaux usagés ne soient pas cassés et passent des contrôles de sécurité. Il est aussi essentiel que les pays d’utilisation des modules de seconde vie aient les infrastructures de recyclage adaptées. Ensuite, rien n’empêche que ces modules retournent sur le marché, notamment pour des installations à petits risques liées à une application plus simple. Par exemple, ces panneaux de seconde main permettent aux ONG de les acquérir à bas coût.
Le cadre réglementaire du réemploi est aujourd’hui inexistant mais reconnu nécessaire.
L’ISC (Comité International Électrique à Genève) possède un groupe de travail qui œuvre à ce sujet. En complément, l’éco-organisme Soren a mandaté l’IPVF (Institut Photovoltaïque d’Ile-de-France) pour créer un second groupe de travail. Il a pour but de proposer un cadre juridique plus efficace et permettre la création d’un marché de la seconde vie solaire.
Baywar r.e. participe à ce groupe de travail aux côtés de nombreux acteurs de la filière. Cela prouve que nous reconnaissons et soutenons cette démarche.

Quelles attentes des citoyens avez-vous identifiées en matière d’excellence environnementale de la filière photovoltaïque ? 

T.C. : Concernant les utilisateurs professionnels (professionnels qui investissent dans des centrales solaires), il n’y a plus de frein pour investir dans cette technologie.
Du côté des particuliers, il y a un réel manque d’information voire de désinformation au sujet du photovoltaïque, notamment sur la fiabilité de la durée de vie d’une centrale photovoltaïque. La lourdeur administrative est aussi un frein à l’expansion de cette filière (il faut parfois plusieurs mois voire années pour avoir un raccordement au réseau). Enfin, malheureusement, il y a encore des entreprises qui ne sont pas assez professionnelles et proposent des installations mal réalisées. Heureusement, de gros efforts sont effectués par le label RGE (Reconnu Garant de l’Environnement) et l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) pour s’assurer de la fiabilité des installateurs. Le métier s’est extrêmement professionnalisé ces 10 dernières années !

Selon vous, quels sont les grands enjeux de la filière photovoltaïque pour 2024 ? 

T.C. : Le premier enjeu est la finalisation d’un cadre réglementaire pour les modules en seconde vie. Notre activité de revamping ne cesse d’accélérer, ces modules ne doivent pas partir en recyclage mais plutôt avoir une seconde vie !

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